Le Regard de la CoSci : Pilates et Diaphragme

Par Eugenie Langlois / Live (6 février 2025) disponible sur le compte Instagram de la FPMP

Inhale… exhale…

Inspirez… expirez…

Dans tous les cours de Pilates, la respiration est au centre des mouvements, presque comme précurseur du mouvement. Mais est-ce vraiment « utile » d’y prêter autant d’attention ?

Il nous a donc semblé intéressant d’étudier les effets de la respiration, étant donné que celle-ci est un pilier fondamental de la pratique du Pilates.

C’est aussi l’occasion de faire un rappel anatomique du muscle diaphragme, principal muscle inspirateur.

Le diaphragme est une structure musculo-tendineuse dotée d’une attache périphérique à un certain nombre de structures osseuses. Il est attaché en avant au processus xiphoïde et au bord costal, latéralement à la 11ème et 12ème côtes et en arrière aux vertèbres lombaires L1, L2, L3.

L’étude choisie est la suivante :

Comparative effectiveness of 10-week equipment-based pilates and diaphragmatic breathing exercise on heart rate variability and pulmonary function in young adult healthy women with normal BMI – a quasi-experimental study

Songül Adıgüzel 1Dicle Aras 2,Mehmet Gülü 3Monira I Aldhahi 4Abdulfattah S Alqahtani 5Sameer Badri AL-Mhanna 6  / (juillet 2023)

Efficacité comparative d’exercices de Pilates et de respiration diaphragmatique sur la variabilité de la fréquence cardiaque et la fonction pulmonaire pendant 10 semaines chez des femmes jeunes adultes en bonne santé avec un IMC normal – une étude quasi expérimentale.

Etude quasi-expérimentale (pas de randomisation). Randomisation = répartition au hasard des groupes.

Contexte : Le but de l’étude était d’étudier les effets du Pilates sur équipement de 10 semaines, des exercices de respiration lente et d’une combinaison des deux sur la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC), la fonction pulmonaire et la composition corporelle (BC) chez les jeunes femmes adultes en bonne santé avec un IMC normal.

Méthodes : Quarante participantes ont été réparties dans un groupe de Pilates basé sur l’équipement (PG), un groupe d’exercices de respiration lente (BG), un groupe d’exercices de Pilates + respiration (PBG) et un groupe témoin (CG). L’exercice de Pilates sur équipement consiste en un entraînement de deux jours par semaine et de 50 minutes par jour. De plus, PBG a effectué un exercice de respiration de 15 minutes après chaque séance de Pilates. Des séances de Pilates ont été créées avec Reformer, Cadillac, Ladder Barrel, Chair Barrel et Spine Corrector. D’autre part, les exercices de respiration étaient basés sur des cycles contrôlés d’inspiration et d’expiration de 5 s.

Variabilité Fréquence Cardiaque(VFC) :

  • Variation des intervalles de temps entre les battements du cœur,
  • En lien avec le système nerveux autonome (les branches du SNA innervent le muscle cardiaque – accéléré par le SNS et freiné par le SNPS),
  • Reflète les interactions cœur-cerveau.
  • La détérioration de la VFC est considérée comme un signe de l’incapacité des systèmes de régulation à s’adapter aux changements, et par conséquent à la maladie ou à la mortalité.
  • Outil de mesure : Appareil Omega Wave 800.

Fonction Pulmonaire :

  • Mouvements d’inspiration et d’expiration.
  • Outil de mesure : spiromètre MiniSpir, marque MIR qui permet de mesurer les volumes et les capacités respiratoires.

Composition Corporelle :

  • Ensemble des éléments qui composent le corps (poids, pourcentage de graisse, pourcentage musculaire, IMC).
  • Outil de mesure : Analyse PlusAvis 33.

Description des quarante participantes, toutes en bonne santé :

  • Age : de 18 à 40 ans -moyenne d’âge : 31 ans +- 6,
  • Poids : 59 kg +- 8
  • Taille : 1.64m +- 6 cm
  • IMC : 22.8 +-1.9
  • Ont été exclues :
  • Des personnes ayant adhéré déjà à un programme d’exercices réguliers au cours des 6 derniers mois
  • Des personnes atteintes d’une maladie chronique
  • Des personnes atteintes d’une blessure musculosquelettique.

Durée du programme : 10 semaines.

Lieu : studio de Pilates privé à Ankara.

Divisé en 4 groupes, supervisés par un professeur :

  1. Exercices de Pilates sur machines (Reformer, exclusif les 2 premières semaines + Cadillac + Ladder Barrel + Chair Barrel + Spine corrector).

Durée : 50 minutes par séance, sur 10 semaines

Fréquence : 2x/semaine

Détail du programme de Pilates : Exercices de Pilates : Chaque personne a fait l’exercice pendant 50 min, 2 jours par semaine. Des équipements Reformer, Cadillac, Ladder Barrel, Chair Barrel, Spine Corrector ont été utilisés dans cette étude. Le niveau du programme d’exercices avancé au cours de la période de recherche. Au cours des 2 premières semaines de l’étude, l’équipement Reformer a été utilisé car il était plus facile à contrôler. Les participants ont commencé à utiliser l’équipement Cadillac au cours de la troisième semaine et ont effectué les mêmes mouvements. Le Ladder Barrel est utilisé pour les étirements, généralement à la fin de la séance. Au cours de la cinquième semaine, le Chair Barrel, un équipement de niveau avancé compte tenu de l’équilibre, a été utilisé. Ainsi, l’objectif du programme d’exercices de 50 minutes était de travailler sur chaque partie du corps pour favoriser le bien-être physique.

  • Groupe respiration lente :

Cycles contrôlés d’inspiration et d’expiration de 5 secondes chacun

Durée : 15 minutes par séance, sur 10 semaines.

Fréquence : 2x/semaine

Détail du programme des exercices de respiration : Exercices de respiration : Les exercices de respiration lente et contrôlée ont été effectués dans une salle de silence par le BG et le PBG. Les exercices de respiration ont été effectués avec 10 secondes de cycles de respiration diaphragmatique (6 respirations/min), dont 5 s d’inspiration et 5 s d’expiration, pendant 15 minutes par jour, deux jours par semaine pendant dix semaines. Tous les participants étaient en position couchée à un mètre les uns des autres lors de chaque séance de respiration et on leur a demandé de ne pas bouger ni parler pendant l’exercice. Pour permettre aux sujets de suivre facilement les 5 s de cycles d’inspiration et les 5 s de cycles d’expiration, un grand écran d’ordinateur a été projeté au plafond montrant le flux de temps de 5 secondes.

  • Groupe Pilates + Respiration :

15 minutes de respiration après chaque séance de Pilates

Analyses statistiques : la valeur alpha a été acceptée à 0.05 dans toutes les analyses statistiques

Conclusion :

Les principaux résultats de cette étude mettent en évidence l’effet considérable de la combinaison de la respiration lente et de l’exercice de Pilates sur la VFC, la fonction pulmonaire et la composition corporelle, ce qui a des implications importantes pour la promotion de la santé. Étant donné que les exercices de respiration en plus de l’exercice Pilates peuvent entraîner des améliorations significatives de la composition corporelle, de la VFC et de la fonction pulmonaire, il doit être considéré comme un programme de conditionnement physique alternatif pour les femmes. Selon les résultats actuels, même les 10 semaines d’exercices de Pilates basés sur l’équipement ont eu des effets positifs sur les paramètres respiratoires, mais leur efficacité est clairement augmentée lorsque des exercices de respiration sont ajoutés.

Limites : que des femmes, VFC évaluée par mesure à court terme (meilleurs résultats si mesure sur une période de 24H à l’aide d’un Holter d’électrocardiographie), et programme non détaillé.

Voilà donc une étude qui témoigne de l’intérêt de la respiration pour la santé.

Nous avons présenté le muscle diaphragme en préambule car c’est le principal muscle inspirateur. C’est vraiment « le » muscle auquel on pense quand on parle respiration. Notons par ailleurs les autres muscles inspirateurs : petit et grand pectoraux, le grand dentelé, les petits dentelés, les scalènes, le sterno-cléido-mastoïdien.

Les muscles expirateurs principaux sont les suivants : les abdominaux, le transverse, le carré des lombes.

Visualiser la synergie des muscles, l’élasticité des poumons dans la cage thoracique, accueillant l’air, le filtrant et le restituant, telle une vague qui va et qui vient s’enrouler sur la plage, inlassablement, est totalement fascinant.

La respiration est un des piliers de base du Pilates. Ses influences sont multiples : sur la posture, sur la digestion, sur l’état nerveux, …etc. C’est donc primordial qu’elle reste au centre de nos cours de Pilates.

Cette étude montre même des effets d’autant plus bénéfiques sur les paramètres respiratoires lorsque l’on couple aux séances de Pilates des exercices de respiration type cohérence cardiaque (5s/5s). Une invitation pour les professeurs à expérimenter : pour eux-mêmes, comme un centrage avant d’entamer les cours ; ou pour leurs pratiquants, comme un sas de décompression entre le tumulte de la vie et le début du cours ? Des applications telles que « Respirelax », gratuites, proposent des programmes de cohérence cardiaque. De plus, c’est un outil facile à reproduire pour chacun dans la vie quotidienne.

Etudier, visualiser la respiration demande du temps. Nous ne pouvons qu’encourager chaque professeur à comprendre la physiologie de la respiration, à s’en imprégner afin que celle-ci puisse toujours rythmer chacun de nos exercices.

ANNEXE : le détail des résultats.

Tous les paramètres mesurés :

  • Pour la composition corporelle :
  • Poids
  • IMC
  • PBM, PBF
  • HRV :
  • RMSSD
  • Légende encadrée 2: Définitions ci-aprèsSDSD
  • SDNN
  • Paramètres HRV :
  • TP
  • HF
  • LF
  • Paramètres de respiration :
  • FVC forced vital capacity
  • FEV1 forces expiratory volume in 1second
  • FEV/VC VC : vital capacity
  • PEF peak expiratory flow
  • IC inspiration capacity
  • ERV expiratory reserve volume
  • TV tidal volume
  • MVV max volontary ventilation
  • VE

Dans les résultats, ne sont notées que les valeurs qui n’ont pas été augmentées dans le groupe témoin.

Groupe PilatesAmélioration TP et LF Diminution IMC
Groupe RespirationAmélioration SDSD, SDNN, TP, HF et LF 
Groupe Pilates + RespirationAmélioration SDSD, SDNN, TP, HF et LF
et amélioration RMSSD
 Diminution IMC, PBF plus bas
et PBM plus élevé
Groupe Témoin   

TP : total power / HF : high frequency / LF : low frequency / PBF : pourcentage de graisse corporelle / PBM : pourcentage de muscles dans le corps.

La phrase “SDSD : l’écart type correspondant de la différence entre les intervalles RR successifs” décrit un indice de variabilité de la fréquence cardiaque, utilisé pour analyser les changements dans les intervalles entre deux battements cardiaques consécutifs. Voici une explication détaillée des termes et acronymes :

  1. SDSD : C’est l’acronyme de Standard Deviation of Successive Differences, ce qui signifie “écart type des différences successives”. Il s’agit d’une mesure de la variabilité cardiaque qui évalue l’écart type des différences entre chaque intervalle de temps entre deux battements cardiaques successifs (RR).
  2. Intervalles RR : Ce terme désigne l’intervalle de temps entre deux battements cardiaques consécutifs, mesuré à partir des pics de l’onde R sur l’électrocardiogramme (ECG). Les intervalles RR sont utilisés pour déterminer le rythme cardiaque.
  3. Différences successives : Cela fait référence aux différences entre chaque intervalle RR consécutif. Par exemple, si l’intervalle entre le premier et le deuxième battement est de 800 ms et entre le deuxième et le troisième de 850 ms, la différence entre ces deux intervalles est de 50 ms.

Donc, SDSD mesure la variabilité des différences entre les intervalles RR successifs. Un SDSD élevé indique une grande fluctuation entre ces intervalles, ce qui peut refléter une meilleure flexibilité du système nerveux autonome dans la régulation du rythme cardiaque.

SDNN : écart-type des intervalles NN

La phrase “SDNN : écart type des intervalles NN” provient d’une analyse de la variabilité de la fréquence cardiaque, souvent utilisée dans des études en physiologie ou en médecine. Voici la signification des termes et acronymes :

  1. SDNN : Il s’agit de l’acronyme de Standard Deviation of NN intervals, ce qui signifie “écart type des intervalles NN”. C’est une mesure de la variabilité de la fréquence cardiaque, calculée comme l’écart type des intervalles de temps entre deux battements cardiaques consécutifs (les intervalles RR).
  2. Intervalles NN : Ce terme fait référence aux intervalles de temps entre deux battements cardiaques successifs, mais spécifiquement excluant les battements prématurés ou anormaux. On appelle ces intervalles “NN” (normal-to-normal) pour désigner des battements réguliers et normaux du cœur.

Donc, SDNN est une mesure statistique qui évalue la variabilité des intervalles entre les battements cardiaques réguliers (NN), et plus l’écart type est élevé, plus la variabilité cardiaque est grande, ce qui peut indiquer une meilleure capacité d’adaptation du système nerveux autonome.

Le SDNN calculé sur des enregistrements de courte durée constitue un indicateur du système tant para- qu’orthosympathique, alors qu’il ne reflète que l’activité sympathique lors d’enregistrements de 24 heures.

Qu’est-ce que le RMSSD ?

La RMSSD est une mesure statistique standard de la VFC. Elle représente la moyenne quadratique des différences successives entre les battements cardiaques normaux pour un ensemble spécifique de données relatives à la fréquence cardiaque.

Le RMSSD est le marqueur temporel le plus « connu » et utilisé, en particulier si l’on se réfère à la littérature scientifique dans le domaine de la physiologie de l’exercice. Exprimé en millisecondes, il se calcule en faisant la racine carrée de la moyenne des différences au carré des intervalles RR successifs. La RMSSD est essentiellement influencée par le système parasympathique et reflète la tolérance au stress.

Mieux comprendre les termes scientifiques :

Valeur p = valeur de probabilité, mesure statistique comprise entre 0 et 1. Elle est utilisée pour un test d’hypothèse. Dans des essais cliniques, elle est utilisée pour donner une indication qui détermine si un résultat observé dans un essai clinique peut-être dû au hasard ou non. P : probabilité

Ce qui compte, c’est la répétitivité des épreuves : est-ce que si je refais l’expérience plusieurs fois, je tombe sur le même résultat ? Donc on utilise tests d’hypothèses : H0 rien ne change / Hypothèse alternative : qui apporte nouveauté.  Interprétation : je calcule les chances d’avoir une plus-value, plus les chances sont faibles moins c’est acceptable. Convention : pvaleur définie par étude.

Pour en savoir plus sur le diaphragme :

https://www.kenhub.com/fr/library/anatomie/diaphragme

livre de Blandine Calais Germain, Respiration, aux éditions Désiris