Par Eugénie LANGLOIS
La sclérose en plaques est une maladie auto-immune qui affecte le système nerveux central. Une dysfonction du système immunitaire y entraine des lésions qui provoquent des perturbations motrices, sensitives, cognitives, visuelles ou encore sphinctériennes (le plus souvent urinaires et intestinales). La maladie est évolutive selon deux modes : « rémittent » et « progressif d’emblée ». La forme rémittente est la plus fréquente. Elle représente 85% des cas au début de la maladie. Son évolution se fait sous forme de poussées, avec l’apparition de symptômes en quelques heures ou en quelques jours, souvent associés à une fatigue extrême et inhabituelle évocatrice du diagnostic. Puis, les symptômes disparaissent totalement ou partiellement en quelques semaines. Entre 5 à 20 ans après le début des symptômes, certains patients connaissent une aggravation du handicap de façon plus continue et sans poussée : c’est la forme secondairement progressive. 2,5 millions de personnes dans le monde sont touchés par cette maladie.
Une de mes patiente (en ostéopathie) atteinte de sclérose en plaques depuis 2003 environ participe désormais aux cours de Pilates que je donne en parallèle du cabinet. Les cours sont collectifs, néanmoins cette pratiquante suit le déroulement au même rythme que les autres ! Je dispose une chaise à côté de son tapis à chaque début de cours afin de faciliter les transitions de postures, et pour qu’elle puisse avoir un appui lorsque nous travaillons en position debout par exemple.
Voici son témoignage :
« Je suis atteinte d’une sclérose en plaques depuis 20 ans, qui a évoluée vers une forme secondairement progressive il y a quelques années. Mon état et surtout mes capacités physiques se sont considérablement dégradées en 2018 suite à une période prolongée de grand stress et de chaos émotionnel. Cette dégradation s’est traduite par une importante perte de motricité des jambes et l’usage nécessaire d’une béquille chez moi et de deux béquilles ou d’un fauteuil roulant à l’extérieur.
En juin 2020, j’ai découvert qu’il existait tout près de chez moi la possibilité de pratiquer le pilates. J’ai commencé par une séance par semaine, puis lorsque cela a été possible j’ai poursuivi par trois heures par semaine. Très vite j’ai ressenti un effet bénéfique notamment sur l’équilibre et l’ancrage de mon corps sur le sol, j’ai retrouvé la sensation d’appui sur les pieds. Après 2 ans ½ de pratique encadrée et personnelle régulière je constate une très nette amélioration dans ma capacité à ressentir à nouveau les muscles de mes jambes, ceux de mon bassin. Je suis en mesure de marcher chez moi sans béquille et de me promener dans mon jardin avec une aide légère (seulement 2 bâtons de marche nordique). La sollicitation régulière de muscles profonds m’a permis de retrouver de la stabilité, de diminuer considérablement les chutes. La reconnexion à mon corps, à mes ressentis, mes sensations a joué également un rôle majeur dans l’évolution positive de mes capacités motrices. Je suis passée d’une attitude d’étrangère à mon corps, parce que souffrant et limitant, à un accueil inconditionnel de son état, de ses limites, de ses besoins, et à une envie d’en prendre soin. Ce chemin d’acceptation a été initié et nourri par ces rendez-vous réguliers dans un cadre d’une très grande bienveillance et l’adaptation permanente de l’enseignante à mes capacités. »
L’expérience vécue avec cette pratiquante est extrêmement encourageante ; alors regardons ce que disent les études scientifiques sur le sujet.
Plusieurs revues systématiques apparaissent en haut des recherches. Pour rappel, Une revue systématique est un travail de collecte, d’évaluation critique et de synthèse des connaissances existantes sur une question donnée. En voici une par exemple : “Pilates for people with multiple sclerosis : A systematic review and meta-analysis” Miguel A. Sánchez-Lastra, Daniel Martínez-Aldao, Antonio J. Molina, Carlos Ayán. Le titre ne soulève pas de questions, juste une observation. Plusieurs études ont donc été rassemblées pour écrire cette revue. Voici certains points intéressants issus de cette lecture :
- 4 études sur 6 qui traitaient des effets du Pilates sur la fatigue ont rapporté des avantages significatifs,
- Idem pour 2 des 3 études qui analysaient l’impact de la pratique du Pilates sur la qualité de vie des patients,
- Changements significatifs sur l’équilibre, la confiance et la capacité de marche grâce à la pratique du Pilates,
- Aucune influence sur la dépression.
Ainsi, non seulement le Pilates est réalisable par les patients atteints de SEP, mais il peut entraîner une amélioration des conditions physiques comparable aux autres thérapies physiques.
Parmi ces études, il y en a une* qui a étudié un groupe de patients atteints de SEP en comparaison d’un groupe de patients sains appariés (cela signifie que des paires de patients sont formées selon certains critères : âge, sexe, …). Elle conclue qu’un entraînement de 10 semaines est efficace pour augmenter l’interaction sensorielle et diminuer la fatigue.
En pratique, dans le suivi des patients atteints de SEP, un protocole de rééducation intensive est proposé. La pratiquante qui témoigne en avait déjà entamé un au sein de l’hôpital Rothschild à Paris, mais elle avait dû cesser en cours de route, tant cela la fatiguait. En outre, elle déplore que des abdominaux type « crunch » soient au programme ; elle préfère l’approche du Pilates.
En conclusion, les études scientifiques à ce jour démontrent que le Pilates peut être pratiqué par les patients atteints de SEP, et même que le Pilates peut être bénéfique sur certains aspects tels que la fatigue, la capacité de marche, l’équilibre. Le Pilates peut donc être considéré comme une option thérapeutique avec des bénéfices comparables à d’autres activités physiques.
* Effects of Pilates exercises on sensory interaction, postural control and fatigue in patients with multiple sclerosis – Melda Soysal Tomruk, Muhammed Zahid Uz, Bilge Kara, Egemen Idiman